Le collectif MONA vient de créer ma pièce Devenir le ciel le 23 novembre 2011, et la jouera pour une vingtaine de dates jusqu'au 18 décembre au Théâtre des Deux Rives de Charenton (94), avant de partir en tournée, espérons-le, avec ce spectacle.
C'est un travail tout à la fois étonnant, fascinant et déroutant que propose le collectif. Un objet théâtral non identifié, qui échappe (à l'instar du texte) à tous nos préconçus de catégories, formats, normes, cadres...
En opposition à la trajectoire du protagoniste (qui, dans sa chute inéluctable, semble "se vider de sa parole" dans un temps détaché du temps), le spectacle mis en scène avec intelligence et radicalité par Claire Frétel donne le sentiment au contraire d'une re-construction, d'une restauration ; on serait tenté de dire, pour utiliser une syntaxe de scènes de crime, d'une re-constitution : peu à peu en effet, strate après strate, image après image, son après son, parole après parole, geste après geste, la mise en scène donne vie au héros, qui se dessine de plus en plus nettement pour nous durant le temps de la représentation.
L'ironie est que le personnage nous est de plus en plus connu, de plus en plus familier, de plus en plus intime et proche au fur et à mesure qu'il approche lui-même de sa fin : car c'est bien au coeur même de son éloignement que nous l'approchons, c'est au coeur même de sa destruction qu'il se construit pour nous, c'est dans sa trajectoire de mort que prend corps pour nous sa trajectoire de vie : dans un espace-temps morcelé et pluriel, au coeur d'une trame narrative et d'une écriture profuse qui tiennent davantage d'une approche quantique du réel que d'une linéarité qui nous soit familière, avec l'imprévisible comme seule ligne de mire, peu à peu les pièces du puzzle s'emboîtent.
Il est notable que ce soit collectivement que se fasse cette construction à rebours : partage de la parole, écoute et circulation sans faille des comédiens (magnifiques Audrey Le Bihan, Claire Méchin et Laurent Muzy), conscience entre eux des corps, des voix, des respirations ; mais aussi, c'est perceptible, dans une collectivité plus large incluant les costumes (Sarah Dupont), les lumières (Mathieu Courtaillier), la musique et le son (Amnon Beham et Etienne Szechenyi), l'espace scénique modulable (Charlotte Billon). Parce que le héros doit sa destruction, sans doute, à la solitude dans laquelle il se découvre, il est juste que ce soit par le biais d'un protocole collectif que sa re-construction prenne corps.
Il y a, dans l'approche très pensée et finement élaborée du collectif MONA autour de Devenir le ciel, un travail qui touche à l'essence même de l'acte théâtral : partant d'un texte multiforme, étoilé, presque impossible, ils l'ont fait advenir au théâtre (s'octroyant même le luxe de le placer au centre de leur processus de création), au même titre que le héros s'autorisant le ciel jusqu'à le devenir.
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