Je me remets dans les marques des Echelles de Nuages, spectacle signé par Dominique Paquet pour le texte (L'Ecole des Loisirs éditeur) et Cécile Tournesol pour la mise en scène. (Nous le jouons, avec Véronique Poupelin et Françoise Cousin, du 3 au 6 novembre au Centre culturel L'Imprévu de Saint-Ouen l'Aumone, Val d'Oise, le 11 novembre à Lardy, Essonne, et le 13 décembre à Persan, Val d'Oise : programme).
Mon rôle est exclusivement marionnettique, je n'ouvre pas la bouche.
Pour répéter, je revois le texte et je le "signe" avec les mains : il s'agit en effet d'une manipulation à gaines chinoises, avec des marionnettes d'une trentaine de centimètres.
Aussitôt se remet en marche, en moi (nous n'avons pas joué le spectacle depuis plus de six mois) cette curieuse corrélation entre les mots du texte et les mouvements de mes doigts, de mes poignets. Comme si "j'écrivais" à mon tour le texte de Dominique Paquet avec les mains. Je touche vraiment du doigt (c'est le cas de le dire...) à quel point la marionnette fait, pour moi, l'unité entre mon travail d'auteur, de comédien et de metteur en scène : elle est le point nodal où se rencontrent ces trois approches du langage, celle de l'acteur, celle de l'auteur et celle du metteur en scène : avec ma marionnette en main, j'écris mon personnage en le "signant", je le joue, et je le mets en scène. Trois en un.
Si l'approche mots-mains est évidente avec des poupées à gaine chinoise, on peut l'approcher également avec des marionnettes à gaine lyonnaise : même si, là, la mise en relation texte-signe est plus expressionniste et se fait davantage dans les "articulations", à la fois articulations du texte (sa ponctuation) et articulations du corps : épaule, coude, poignets, essentiellement, qui ont "leur mot à dire" entre deux groupes de mots, deux propositions, deux phrases, un peu à la manière du masque ou de la comedia dell'arte en théâtre de tréteaux.
Quant à la marionnette portée et au bunraku, pour peu qu'on la manipule une main au bassin et une main à la nuque, tenant les deux bouts de la chaîne vertébrale de la poupée, on entre alors dans l'intimité psychologique du personnage: respirations, questionnements, hésitations, pensées... Au-delà du texte de la pièce, c'est le sous-texte qui, dans ce type de manipulation et d'après moi, est roi.
Serait-ce à dire, alors, que l'auteur penserait en bunraku, écrirait en gaine chinoise, et agirait en gaine lyonnaise ?
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