Que nous dit précisément le mythe de la tour de Babel (Gen XI, 1-9) ? Il faut lire le passionnant passage qui lui consacre
Marie Balmary dans
Le Sacrifice interdit, Freud et la Bible (Grasset, pages 71 à 100). Contrairement à l'interprétation qui en est souvent donnée (crainte du dieu d'être "rattrapé" par l'homme et qui, pour prévenir cette menace et entraver ce projet, impose une pluralité de langues qui fait tout capoter), Balmary pointe la
liberté qui est donnée à l'homme, dès lors que le chantier s'arrête, de consacrer son histoire à autre chose qu'un projet névrotique (tous unis - tous les mêmes - pour devenir dieu), liberté recouvrée grâce à laquelle il va pouvoir s'inventer un destin qui lui soit propre. Et cette invention va de pair avec la fécondité que permet la pluralité des langages et la distance d'avec la complétude. (A ce sujet, elle cite Lacan au Congrès de Strasbourg : "Le manque me manque. Quand le manque manque à quelqu'un, il ne se sent pas bien") : la Tour de Babel, ce n'est pas la vengeance d'un dieu jaloux des potentialités et des désirs de sa créature, mais bien l'affranchissement, pour l'homme et par le don de l'altérité, de ses fantasmes de fusion et de pouvoir absolu.
Cette vision du mythe de Babel, j'ai eu envie d'en faire une pièce pour jeune public. Il me semblait que l'époque s'y prêtait d'ailleurs très bien, avec cette curieuse insistance du Politique, depuis 2007, à pointer l'"autre", quel qu'il soit, comme une soi-disant "menace" pour une prétendue "identité nationale". J'ai donc écrit
Babel ma belle, d'abord sous forme de fiction radiophonique pour France Culture (réalisation :
Juliette Heymann), puis en pièce de théâtre, éditée chez
L'Agapante & Cie (tout public dès 8 ans). Je re-situe le mythe dans le contexte douloureux de l'émigration afghane, et place le personnage principal au centre d'un faisceau d'entraides pour construire son histoire.
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