"Avant, la conscience était distance, regard froid. Elle rabougrissait la vie, en extirpait les racines. Maintenant tout est autre. Elle continue d'engranger, mais sans assécher, car elle est constamment éblouie, submergée. Je ne m'appartiens plus, ai perdu le contrôle de moi-même. Sentiment de n'avoir plus de centre. Happé. Emporté. Projeté dans l'immense.
Il est hors de doute que ceux qui nichent dans le moi pressentent, à certains moments privilégiés, les implications de l'état dont je parle ci-dessus, et je comprends qu'ils en soient effrayés.
Consentir à n'être rien, que cette flamme qui sera acheminée vers cela qu'on ne peut atteindre que par éclair, c'est ce seuil qu'il faut franchir. Une seule fois, accepter lucidement de disparaître, de n'avoir plus de moi, d'existence. Cette mort est le germe de la naissance. Mais pour qu'elle engendre le jaillissement, elle doit être de chaque seconde, car il lui faut continuer de réduire à néant ce moi mort résolument vivace.
Tout montre que hors ce combat pour gagner le rien, parvenir à cela en deçà, au-delà de quoi il n'est rien, rien n'a de sens"
Charles Juliet, Traversée de Nuit, Journal II 1965-1968, P.O.L
> + d'infos et feuilletage du livre
> article de presse sur C. Juliet
> article précédent
> article suivant
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire