vendredi 12 octobre 2012

Sur la voie verte, le long de la Meuse


Un projet de la compagnie champenoise Le Facteur Théâtre, initié par Didier Lelong : des auteurs écrivent sur l'ancien chemin de halage qui relie Charleville à Givet, dans les Ardennes... Premiers pas sur la voie verte, du 1er au 5 octobre 2012, en compagnie de Natacha de Pontcharra, Emmanuel Schaeffer et Alberto Lombardo.
Premières découvertes, premiers tâtonnements d'écriture...

Prochain rendez-vous : lecture d'extraits lors de la manifestation L'Ete en Automne, le 1er décembre 2012... Puis l'écriture progressive et collective, saison après saison, d'une pièce pour un spectacle qui se jouera le long de la Meuse.

Premier jour, premières lignes d'un premier texte :
"Si vous passez sur la voie verte, à l’endroit où nous étions hier, entre Nouzonville et Joigny (mais passe-t-on deux fois au même endroit, sur ces berges ? Se baigne-t-on deux fois dans le même fleuve ?), pourriez-vous regarder si vous ne trouvez pas, au sol ou sur un banc, le carnet sur lequel j’avais pris quelques notes, et que je ne retrouve plus ?


Un petit carnet blanc, si petit qu’il tomba de ma poche sans que je m’en rendisse compte, si léger que je ne l’entendis pas tomber, si discret que je doute que vous le trouviez (trouvassiez ?), entre deux roseaux, derrière une borne ou une barrière, perdu déjà dans l’entrelacs des rives.

Ce que j’avais noté sur mon carnet, tenter de m’en souvenir. Il me revient des mots, des expressions, liste à la manière d’un pense-bête :
Promo de la semaine : cyclamen extra, amaryllis en pot. (Devanture de fleuriste à Nouzonville). Ce sont d’abord les mots des panneaux, des pancartes, que j’ai notés, les mots écrits dans le paysage, ainsi ceux de l’usine « Bertin Mandal », et en-dessous quelques caractères à demi effacés qui formèrent, il y a long, le mot bateliers. Et sans doute aurais-je dû commencer par le mot de Malheur qui me revient maintenant, aperçu sur un set de table au café de la gare, ce matin, entre les tasses et les sous-bocks, marque de bière à ce qu’a dit la patronne, et ces mots qui résonnèrent un instant dans ma tête : «Patronne : une Malheur !», tandis qu’au comptoir, ça écluse.

Plus loin : Manœuvres interdites en l’absence d’homme-trafic. Dans Nouzonville, toujours.

Homme-trafic, ça me plaît bien, on imagine un éclusier, peut-être en verrons-nous un le long de la voie verte, à moins que ce ne soit nous, les hommes-trafic, c’est quoi le trafic, ici, trafic fluvial sur voie navigable, qu’est-ce qu’on trafique, à 5 kilomètres de la frontière (et le panneau Belgique entraperçu dans Gespunsart, tantôt, rare de voir écrit un pays à la manière d’une ville), ça trafique forcément, alors que le tabac, aujourd’hui justement, a encore augmenté d’une dizaine de pourcents".

(A suivre.../...). Lecture publique le samedi 1er décembre à 18h à la salle des fêtes de Gespunsart (08) dans le cadre de "L'Ete en Automne".


lundi 17 septembre 2012

Tobie par la compagnie La Marotte

Bande-annonce de Tobie, spectacle monté en mars 2012 par Sabine Pernette, assistée d'Arnaud Garnier, avec Francis Scuiller et Axel Bry. Compagnie La Marotte



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jeudi 23 août 2012

Une maison


La Maison de Mathieu Mercier, MAMCS

"De la maison, la voyant partagée par l’arête du toit, tu remarques au passage qu’elle n'a pas de gouttière. La partagent en son milieu - barre, biffure - le trait rouge et l’absence de-dite gouttière. La porte aussi : barrée en son milieu. La fenêtre également, verticalement - en son milieu toujours. Le calcul est vite fait : hauteur + profondeur sur racine carrée de largeur à la puissance epsilon égale le nombre d'or ou peu s'en faut.

Derrière la fenêtre, tu vois par transparence une autre fenêtre, qui donne sur un mur jaune. Tu vois aussi trois femmes nues par réflexion, une autre oeuvre du musée sans doute, réflexion du moderne sur le contemporain, et ça donnerait une sorte de vitrail cubiste ("Tache jaune avec trois Grâces" ?) : une maison rouge et jaune, fantaisiste, presque, une maison de vacances ; une maison rouge et or, comme la maison d’édition des livres d’enfance. Une résidence très secondaire.

Ton regard vole jusqu’à l’angle du garage, attiré par une tache de soleil qui caresse le crépi et semble avoir bougé. Le gardien te regarde, se lève, un homme te prend en photo, tu te demandes si ce ne serait pas Claude Lelouch, si ce n’est lui c’est donc son frère, arrête, reviens plutôt à la tache rouge du toit, aux tuiles rouges du pavillon : l’intimité d’un vélux capte ton regard, l’ombre profonde des combles exaspère ton attente, d’autres ombres, d’autres parties grisées dans les renfoncements des fenêtres, des portes, une ombre qui bouge avec le passage des nuages devant le soleil.

Ces arêtes, ces encadrements d’ouvertures, voilà que tu les suis ; quelqu'un a parlé d’ouvertures ? Il n’y a pas de poignées aux portes. Ici, on n’entre pas. Le pas de porte est un peu surélevé, tu passerais la porte tu pourrais trébucher, mais nul risque, nulle chance : personne n’entrera. Que te faudra-t-il faire ? Casser le vitrail d’un coup d’épaules, faire le tour de la pagode pour te perdre dans l’immensité jaune d'oeuf, attendre devant la porte, trempé par une pluie espérée, pluie que nulle gouttière n’arrêtera, tombant comme un rideau du faîte jusqu’au seuil où tu te tiens, toi ou le gardien c'est du pareil au même, dévalant entre les tuiles - arrête.

Le photographe est passé derrière la maison, il a annulé la vérité du vitrail le temps de sa traversée dans l’image : voilà que la fenêtre n’est plus un vitrail, que le pavillon n’est pas une église, que les proportions n’ont jamais rien eu à voir avec le nombre d’or. La maison est une maison close, y vivent trois Grâces modernes et éphémères derrière le vélux d'une banlieue ordinaire. « Le pavillon dort », dit Claude Lelouch en fermant les volets : c'est décidé, tu restes."

Laurent Contamin, texte écrit en regard de La Maison, de Mathieu Mercier : atelier d'écriture au Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg

mercredi 27 juin 2012

La Tribu du Sujet

Retour d'Agamemnon, Cassandra au fond.
(c) François Louchet
La Tribu du Sujet a proposé cette saison Une petite Orestie, joué par des jeunes du collège Alphonse Allais de Honfleur, sous la direction de Lorena Felei, Marion Bouquinet et Stéphanie Fagour.
Toutes les photos sont signées François Louchet :
Le choeur. (c) François Louchet

Le choeur. (c) François Louchet


Clytemnestre(s), Agamemnon, Electre. (c) François Louchet

Egisthe. (c) François Louchet
Meutre d'Agamemnon par Clytemnestre.
(c) François Louchet





















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mardi 12 juin 2012

Troisième période de résidence à Bellac

Troisième et dernière période de ma résidence d'écriture à Bellac et en Haut-Limousin, au printemps celle-ci, et qui est celle de l'écriture proprement dite, maintenant que les contacts sont pris (première période) et que les bases documentaires sont "à flot" (deuxième période).

Peu à peu se dessine une pièce à quatre personnages, L'Eclaircie, qui se nourrit des différentes visites que je continue de faire : Montrol-Sénard et sa "nostalgie rurale", Poitiers et son musée des Beaux-Arts, les monts de Blond où je retourne plusieurs fois, la vallée de la Creuse avec notamment Crozant et l'arboretum de la Sédelle, Villefavard, La Courcelle, Saint-Amand Magnazeix et Rancon où j'admire les lanternes des morts, Saint Léonard de Noblat, Peyrat le Chateau et son musée de la Résistance dédié à Georges Guingouin, Vassivière et les monts d'Ambazac... La Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges m'est un précieux apport documentaire grâce à son "fonds régional".

Mon approche du fantastique est certainement marqué par le "cool dating" autour du Palais des Rêves d'Ismaïl Kadare, mis en espace et en voix par Stéphane Aucante, et qui contribue à donner à ma pièce une touche politique. Giraudoux est également présent, d'une part parce qu'il m'arrive de prendre mes quartiers d'écriture dans sa maison natale (merci à la mairie de Bellac et à l'Académie Jean Giraudoux de m'en avoir permis l'accès), d'autre part parce qu'une lecture croisée y a pris place, faisant se rencontrer nos écritures. Des collectages continuent de se faire, grâce à l'entremise efficace du Théâtre du Cloître, avec Mme Dupré-Zakarian qui me partage sa passion des arbres et des forêts en Limousin, M. Fredonnet et M. Lenoble qui évoquent avec moi leurs souvenirs de la Libération, Mme Chabroux, incollable sur les ostensions, qu'elles soient du Dorat ou de Saint-Junien... A l'arrivée, L'Eclaircie, donc, une fantaisie dramatique, fortement imprégnée tout à la fois de l'Histoire locale et des contes et légendes du territoire, qui résonne avec quelques personnages et textes de Giraudoux (notamment Intermezzo, dont elle est une sorte de double inversé) et qui, à sa manière, peut être apparentée à la veine du théâtre fantastique.

Merci au Centre National du Livre, à la Maison des Ecrivains et de la Littérature, au Théâtre du Cloître, qui ont permis l'écriture de L'Eclaircie par le biais de cette résidence, ainsi qu'à tous les gens qui m'ont accueilli et donné de leur temps pour... m'éclairer.

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jeudi 31 mai 2012

A Bellac, croisant Jean Giraudoux...

Début juin, à la maison natale de Jean Giraudoux, rue Jean Jaurès à Bellac (Haute-Vienne), dans le cadre de ma résidence d'écriture au Théâtre du Cloître, je propose une lecture croisée de 4 extraits d'oeuvres de l'auteur limousin avec les miennes :
- Le Cantique des Cantiques avec Tobie, tout d'abord : même origine biblique des textes matriciels, même thématique (l'amour), même distribution de la geste amoureuse autour non pas d'un duo comme on pourrait s'y attendre, mais d'un trio de personnages ;
- Electre avec Une petite Orestie : même source, L'Orestie d'Eschyle. J'ai choisi, dans ces deux pièces adaptées du texte grec, la scène de retrouvailles entre Electre et Oreste ;
- Supplément au Voyage de Cook et Lisolo : on est, là, sur une situation de jeu commune dans les deux extraits choisis : un Blanc arrive en rivage inconnu, exotique, étranger ;
- Enfin, ma dernière pièce, écrite durant cette résidence (et dont le nom est dévoilé au public à l'occasion de cette lecture croisée : il s'agit de L'Eclaircie), avec Intermezzo, pièce avec laquelle elle entre en résonance, notamment par le lieu où les deux pièces prennent place (la ville de Bellac, les monts de Blond), et par l'évocation, dès leurs premières scènes respectives, de la mandragore.

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jeudi 17 mai 2012

Le Palais des Rêves

Mardi 29 mai 2012 à 19h15, au Théâtre du Cloître de Bellac, je participerai à une lecture mise en espace, par Stéphane Aucante, d'extraits du Palais des Rêves, le roman d'Ismaïl Kadaré qui a été choisi par le comité de lecture (parmi la quinzaine de romans fantastiques des vingtième et vingt-et-unième siècles proposée)*.

C'est une oeuvre qui m'a permis de mieux appréhender la thématique du fantastique, sur laquelle je travaille cette année, en comprenant que le fantastique n'est jamais aussi pertinent que lorsque, loin de se limiter à une imagerie et à un schéma narratif un peu convenus - soit qu'il penche du côté de la science-fiction, soit du côté de la nécromancie - il est au service d'un propos qui l'excède : métaphysique (et dans la liste des livres proposés à la lecture, je pense à des oeuvres comme L'Homme qui rétrécit, de Richard Matheson, au Compagnon secret de Joseph Konrad ou aux Cahiers de Malte-Laurids Brigge de Rainer-Maria Rilke) ou politique.

Dans le cas de Kadaré, bien sûr, c'est de politique qu'il est question, avec cette vision onirique et tragique de la bureaucratie (Kafka n'est pas loin) dont Kadaré, on le sait, a fait les frais sous l'ancien régime albanais, et dont le labyrinthe aux ressorts toujours plus irrationnels trouve dans ce palais où l'on trie les rêves de la nation une parabole d'une richesse et d'une justesse magnifiques.

C'est intéressant que Stéphane Aucante ait choisi le lieu même du théâtre pour proposer au public ce parcours dans l'oeuvre : un théâtre n'est-il pas, à sa manière, un "palais des rêves" ? Oui, mais dans un sens inverse que celui proposé par Kadaré : là où ce dernier fait jouer au Tabir Sarrail un rôle de confiscateur et de manipulateur paranoïaque des aspirations humaines, un lieu culturel comme un théâtre se veut au contraire un catalyseur, un dispensiateur, un solliciteur, un producteur de rêves...

J'ai revu par hasard, ces jours derniers, Le Miroir, d'Andrei Tarkovski : là aussi (comme dans beaucoup d'autres de ses films), le fantastique affleure : mais c'est toujours accordé à un propos métaphysique (la mystérieuse présence de la nature avec le vent dans les herbes et les arbres, l'eau, le feu...) ou politique (la crainte de l'héroïne d'avoir fait une coquille dans son article de journal et qui court à l'imprimerie pour vérifier ; les images de l'exil, avec les républicains espagnols...).

Kadaré et Tarkovski ont eu à lutter, l'essentiel de leur vie de créateurs, avec les régimes en place. Sans doute le fantastique était-il la brèche par où ils pouvaient feinter la censure pour réussir à s'exprimer quand même.

* dans le cadre d'un partenariat Théâtre de Cloître de Bellac / Bibliothèque intercommunale du Haut-Limousin

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samedi 14 avril 2012

Des compagnons de la première heure

Cette photo*, prise le 12 avril 2012 à l'espace Kiron lors d'une représentation parisienne de Tobie mis en scène par Sabine Pernette, me touche beaucoup : on m'y voit entouré, de gauche à droite, des acteurs et/ou metteurs en scène Laurent Lederer, Olivier David, Lorena Felei, Sabine Pernette et Jean-Pierre Gryson. Bientôt vingt années auront passé depuis nos premières aventures théâtrales communes, et depuis ce temps nos chemins n'ont pas cessé de se croiser...

En effet, si j'ajoute les comédiennes Aline Blondeau et Delphine Lalizout à cette photo de famille et que je tente de respecter une chronologie approximative, je me rends compte que nous avons collaboré d'une manière ou d'une autre sur : Fragments de Murray Schisgal (1994), suivi de Britannicus de Racine, Jacko de John Mc Ardle, Quatre à Quatre de Michel Garneau, Aux Hommes de bonne Volonté et La Nature même du Continent de Jean-François Caron, Dans la Solitude des Champs de Coton de Bernard-Marie Koltès, André del Sarto de Musset, Juby d'après Saint-Exupéry, Roméo et Juliette de Shakespeare...

Et pour ce qui est de mes textes, entre Paris, le Val d'Oise, l'Alsace, la Normandie et la Maison de Radio-France : Dédicace, Et qu'on les asseye au Rang des Princes, La merveilleuse Epice de Tachawani, La Note blanche, Dix Peurs du Loup, Fêtards !, Le Jardin, Noces de Papier, Une petite Orestie, Lisolo, jusqu'à Tobie en 2012.

Sans vouloir jouer les anciens combattants, je trouve cette fidélité dans notre compagnonnage bien réjouissante !

* (c) François Louchet

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lundi 26 mars 2012

Tobie au Klosterwald

Visite de Laurent Contamin
Vendredi 10 février 2012, Laurent Contamin est venu pour nous parler de sa  pièce de théâtre intitulée Tobie*. Dans cette pièce, il réactualise une histoire de l’époque antique avec des personnages de notre époque.

Il a commencé comme acteur, puis il s’est mis à écrire. Grâce à ses explications, nous avons pu mieux comprendre et interpréter cette pièce. Il nous a présenté sont métier et nous a expliqué qu'il mettait des mois pour écrire ses pièces de théatre. Il fait aussi des pièces de théâtre sur commande.

Mr Contamin a beaucoup d'humour, et il était de bonne humeur ! Nous étions ravis de sa présence et il nous a proposé de passer, peut-être l'an prochain, à la radio ! Lors de l’enregistrement pour la bibliothèque sonore, Mr Contamin a joué le rôle d’un personnage parce qu’un membre du club était absent. Cette après-midi était intéressante car nous avons découvert le métier d’auteur. Merci Mr Contamin !


Note : une fois n'est pas coutume, cet article a été écrit entièrement par des collégiens : les élèves du collège Klosterwald de Villé (67)


* Lansman Ed.


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dimanche 11 mars 2012

Se lire

Depuis quelque temps, des compagnies de théâtre, des structures culturelles ou des bibliothèques me demandent de lire un parcours parmi des extraits de mes textes*, seul, ou dans le cadre du G5. A force de pratiquer cet exercice, j'en suis venu à me poser la question : est-ce si naturel pour un auteur de lire à voix haute sa propre écriture ?

D'un côté, on pourrait penser que oui. Après tout, il est à la source de ce qui est écrit, et donc s'il est une personne qui soit bien placée pour être ajustée à la matière écrite, c'est bien son auteur. Il connaît non seulement le texte, mais le sous-texte, les intentions, les impulsions, il sait où se niche l'humour, l'émotion, il connaît la mécanique de son écriture et maîtrise ses rythmes, etc. Il connaît la source. Comme le dit la sagesse populaire, on n'est jamais mieux servi que par soi-même. En outre, il a une connaissance exhaustive de son corpus et peut donc ajuster, là aussi, sa proposition en fonction de la demande : telle durée, tel public, tel contexte, telle thématique (quitte même, cerise sur le gâteau, à proposer quelques inédits).

Et pourtant, on pourrait aussi penser que l'auteur est la personne la moins bien placée pour prendre en charge sa parole. Cela m'a frappé, souvent, à l'écoute de "livres audio" dans lesquels l'auteur lit son oeuvre : il tombe souvent dans le piège du déclamé, il appuie tant sur la forme qu'elle en vient à cacher le sens - ou au contraire il s'esquive, il semble ne pas vouloir qu'on saisisse sa parole, il semble botter en touche en permanence, il n'ose pas se saisir des mots avec l'impunité qu'il faudrait parfois pourtant avoir... et on finit par se dire qu'un comédien ayant un regard neuf sur l'oeuvre, l'abordant non pas par l'intérieur, mais par l'extérieur, en toute liberté, donnerait à entendre plus, et mieux.
On en vient à se demander s'il n'y a pas quelque chose de contre-naturel, pour un auteur, à ré-investir une parole qui, d'une certaine manière, l'a dépassé lui-même, et dont il n'est, peut-être, non pas la source mais le passeur ; et qui, dans tous les cas, n'a pu s'écrire et se donner que dans un mouvement de dé-possession. A qui appartient la parole ? Peut-être à son auteur moins qu'à quiconque. Est-ce que vouloir remettre la main sur son écrit n'est pas aussi maladroit qu'un assassin qui reviendrait sur les lieux de son crime ? Peut-on se ré-approprier ce qui s'est fait dans le dé-saisissement ? Re-posséder ce qui n'est plus à soi ? Peut-on naître à nouveau ?

La vérité se situe sans doute entre ces deux assertions. Il me semble que, lisant à voix haute mes propres textes, je dois en fait me mettre dans un état d'esprit double :
- Dans le temps de la préparation, je suis en état de maîtrise : j'ajuste, en connaissance de cause, la proposition textuelle en fonction de la demande qui m'est faite.
- Dans le temps de la restitution publique par contre, j'essaye de me persuader que cette parole transcrite n'est pas la mienne. J'essaye de l'aborder par l'extérieur. Je ne suis plus l'auteur, mais un comédien.

C'est cette gymnastique à deux temps (à la fois je et un autre) qui me permet, je crois, d'être dans une démarche que j'espère la plus à même de donner à entendre mon écriture. On en revient, une fois de plus, à l'assertion rimbaldienne : "Je est un autre".

* 2011/12 : Montlignon (95) le 15/10, Chateauponsac (87) le 20/01, Reims (51) le 4/02, Strasbourg (67) le 8/02, Saint-Herblain (44) le 3/04, Nantes (44) le 4/04, Crest (26) le 12/05, Bellac (87) le 8/07...

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dimanche 5 février 2012

Deuxième période de résidence à Bellac

Janvier, je pose les fondations de la recherche thématique liée à ma résidence : c'est Robert Harrison et son essai sur l'imaginaire occidental lié aux forêts qui en est la pierre d'angle, ainsi que l'excellente revue Otrante dédiée au fantastique, et ses différents numéros consacrés au théâtre d'une part, aux forêts d'autre part. Différents contes, légendes et "diableries" de Haute-Vienne viennent replacer ma recherche dans le contexte local. Je ne peux également faire l'économie, Limousin oblige, de Christian Signol et de son dernier best-seller, Au Coeur des Forêts.
Mon projet, on le sent, s'éloigne peu à peu des pierres et des sources pour aller plutôt chercher l'imaginaire lié aux arbres et aux bois... A suivre.

En attendant, j'ai apprécié de rencontrer M. Léonard, à Cussac, qui m'a parlé de l'histoire de la forêt limousine, de son exploitation actuelle, des différentes essences d'arbres... Rencontre à nouveau d'Annette Lebreaud qui rappelle les Monts de Blond et leurs légendes à mon bon souvenir, puis de Nicole Gauthier dont l'érudition concernant tant l'Histoire de la fin du Moyen-Age que les différentes versions de l'histoire de la Mandragore à Bussière-Boffy ne semble pas connaître de limites.


Lecture à la bibliothèque de Chateauponsac autour de scènes liées au thème de... la rencontre, justement, dans mon corpus de textes ; séance de dédicace autour de mes dernières publications à la librairie Page et Plume de Limoges.

Rencontres enthousiasmantes, dans le cadre de la programmation du Théâtre du Cloître, des conteurs Yannick Jaulin et Florence Férin.

Divers ateliers et animations enfin : au lycée Jean Giraudoux et à l'atelier-théâtre de la ville de Bellac autour d'Une Petite Orestie, au collège de Saint-Sulpice les Feuilles et au lycée professionnel du Dorat pour un atelier d'écriture, au collège Louis Jouvet et au lycée professionnel des métiers de Bellac autour de Chambre Noire, à l'association Accueil des Villes de France autour de Tobie, avec le club des lecteurs de la bibliothèque municipale, enfin, pour dégager un premier choix d'oeuvres fantastiques.

Mon séjour se termine avec la visite très impressionnante du village martyr d'Oradour-sur-Glane sous la neige, le 1er février. Prochain rendez-vous : avril, pour démarrer l'écriture de ma pièce.

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jeudi 12 janvier 2012

Partage des Eaux : le choix d'un titre

Ma résidence au collège Jacques Monod de Beaumont-sur-Oise (95), de septembre 2010 à juin 2011, dans le cadre du programme de résidences d'auteurs du Conseil Régional d'Ile-de-France,  a donné lieu à un certain nombre de "productions", toutes inscrites dans le cadre thématique de l'Eau :
- un ACR (atelier de création radiophonique) pour France Culture, A Vau l'Eau, diffusé le 23 juin 2011 (et, je crois, encore podcastable - voir le site de la station) ;
- un spectacle donné à la Fondation Royaumont le 4 juin 2011, Voix d'Eau, montage à partir des écrits d'élèves de 4ème du collège mis en scène par Olivier David de la compagnie Fond de Scène d'Ermont ;
- ainsi que diverses lectures publiques, expositions, comité de lecture... au sein du collège et à la bibliothèque municipale.

Dernier fruit à mûrir aujourd'hui de cette expérience de dix mois en immersion, la publication de Partage des Eaux, aux éditions Eclats d'Encre, recueil de textes courts que j'ai écrits durant cette période.
Pourquoi ce titre ?

D'abord à cause de la polysémie et de l'ambiguïté du mot "partage" : la question du partage de l'eau en tant que ressource, que richesse, au niveau mondial est, on le sait, l'un des enjeux majeurs du siècle qui s'ouvre. Augmentation de la démographie, aggravation de la pollution, effets du réchauffement climatique... L'eau sera un bien... à se disputer... ou à se partager.

Mais dans "partage", on entend aussi frontière, différenciation, démarcation, comme dans l'expression "ligne de partage" (des eaux), eaux d'en-haut et eaux d'en-bas -partagées au deuxième jour de la Création. Et il n'est pas anodin que ce soit l'élément aqueux, précisément, qui, dans cette expression "partage des eaux", évoque à la fois une dispersion et un cloisonnement : ça se partage et ça départage à la fois. On sait bien, depuis Bachelard, la polyvalence des pouvoirs de l'eau.

Et ce double mouvement de dilution et de séparation, c'est aussi ce que j'ai vécu pendant le temps de ma résidence : laisser les temps d'écriture personnelle et les actions artistiques résonner ensemble, se nourrir les unes les autres, mais en même temps faire la part des choses.

Enfin, le titre se veut un clin d'oeil autant qu'un hommage pour une oeuvre qui me fut essentielle en son temps, en cela qu'elle décida pour beaucoup de l'orientation que prendrait ma route, vers le théâtre et l'écriture : Partage de Midi, de Paul Claudel, oeuvre du "mitan", pour son auteur.

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jeudi 22 décembre 2011

jeudi 15 décembre 2011

Babel ma belle

Que nous dit précisément le mythe de la tour de Babel (Gen XI, 1-9) ?  Il faut lire le passionnant passage qui lui consacre Marie Balmary dans Le Sacrifice interdit, Freud et la Bible (Grasset, pages 71 à 100). Contrairement à l'interprétation qui en est souvent donnée (crainte du dieu d'être "rattrapé" par l'homme et qui, pour prévenir cette menace et entraver ce projet, impose une pluralité de langues qui fait tout capoter), Balmary pointe la liberté qui est donnée à l'homme, dès lors que le chantier s'arrête, de consacrer son histoire à autre chose qu'un projet névrotique (tous unis - tous les mêmes - pour devenir dieu), liberté recouvrée grâce à laquelle il va pouvoir s'inventer un destin qui lui soit propre. Et cette invention va de pair avec la fécondité que permet la pluralité des langages et la distance d'avec la complétude. (A ce sujet, elle cite Lacan au Congrès de Strasbourg : "Le manque me manque. Quand le manque manque à quelqu'un, il ne se sent pas bien") : la Tour de Babel, ce n'est pas la vengeance d'un dieu jaloux des potentialités et des désirs de sa créature, mais bien l'affranchissement, pour l'homme et par le don de l'altérité, de ses fantasmes de fusion et de pouvoir absolu.

Cette vision du mythe de Babel, j'ai eu envie d'en faire une pièce pour jeune public. Il me semblait que l'époque s'y prêtait d'ailleurs très bien, avec cette curieuse insistance du Politique, depuis 2007, à pointer l'"autre", quel qu'il soit, comme une soi-disant "menace" pour une prétendue "identité nationale". J'ai donc écrit Babel ma belle, d'abord sous forme de fiction radiophonique pour France Culture (réalisation : Juliette Heymann), puis en pièce de théâtre, éditée chez L'Agapante & Cie (tout public dès 8 ans). Je re-situe le mythe dans le contexte douloureux de l'émigration afghane, et place le personnage principal au centre d'un faisceau d'entraides pour construire son histoire.

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vendredi 9 décembre 2011

On n'en revient pas...

Entendu parfois, au sortir d'un spectacle, cette phrase censément critique : "Je (ne) suis pas rentré dedans...". Cette expression, très franchement, je ne la comprends pas.
Bien sûr, le spectateur est libre de pensée et d'expression, bien sûr je reconnais la subjectivité inhérente à la réception  d'un spectacle (des goûts et des couleurs...). Néanmoins, il ne me semble pas forcément inutile de relever l'inanité de cette expression : "Je (ne) suis pas rentré dedans..." concernant le spectacle vivant - expression qu'il serait bon qu'on n'entende plus dans les halls des théâtres à notre époque.
Sur la forme, d'abord : on ne dit pas "rentrer", on dit "entrer". Rentrer signifie en effet "entrer de nouveau". On devrait donc dire : "Je ne suis pas entré dedans". Si l'on veut pinailler, on pourra aussi remarquer la redondance du verbe et de l'adverbe : entrer dedans, c'est un peu comme "sortir dehors", "monter en haut" ou "descendre en bas". On préférera donc : "Je n'y suis pas entré".
Simple question de forme ? Certes. Mais cette phrase s'entend si souvent dans la bouche de gens de culture... Deux fautes de langage sur une phrase de (cinq) six mots, quand on se pique d'être un spectateur cultivé, éclairé, quand même, ça fait mal.
Plus ennuyeux : le fond. Car enfin : depuis quand "entre-t-on" dans une pièce de théâtre ? Qu'est-ce que ça veut dire : qu'on veut entrer sur scène ? On peut entrer dans la danse, oui (dans une boîte de nuit) ; on peut entrer dans l'eau, oui (dans une piscine ou l'océan) ; on peut entrer dans une maison, une fois passé le seuil ; dans un pays, passée la frontière... Mais "entrer dans un spectacle"... De quoi parle-t-on exactement : d'identification, de projection émotionnelle, à grandes louches de naturalisme, comme au temps d'Antoine ? Notre spectateur éclairé aurait-il cent vingt, cent cinquante ans de retard ? Par pitié, laissons le psychologisme aux sitcom, aux émissions de société et autres questions pour champions, soyons sérieux deux minutes, et envisageons le théâtre de notre siècle. Evitons le rétro-pédalage et résistons à la récession des mentalités qui est dans l'air du temps : il ne devrait plus jamais être question aujourd'hui au théâtre "d'entrer dedans". Ca ne devrait jamais être ça, le théâtre, aujourd'hui. Ce qu'il faudrait, quand on est au spectacle, c'est être en face, en confrontation, en dialogue avec la forme scénique. Est-ce que des artistes comme Blin, Vitez, Kantor, Mnouchkine, Brook ou, plus récemment, Gabily, les TgStan et consorts n'ont pas changé de manière indélébile notre manière d'être au théâtre ?
Désolé, ami spectateur, mais ils sont bel et bien finis, tes rêves d'intrusion, avec ce qu'ils recèlent de fantasmes de fusion, de désirs de pénétration scénique, de raptus exhibé - ça que tu exprimes maladroitement avec ton "Je (ne) suis pas rentré dedans...". C'est comme ça et il faudra t'y faire : aujourd'hui, on reste dehors. En face à face. Défense d'entrer. A la limite, l'extase (ek-stase, étymologiquement : se tenir hors), oui, si tu veux. Au mieux, la déroute... "Ce spectacle m'a dérouté" : ça, c'est bien. Etre perdu, ça s'est bien. Et aussi : "Je n'en reviens pas", c'est bien. Oui : plutôt que "rentrer dedans", voilà ce que devrait vivre un spectateur du vingt-et-unième siècle : ne pas en revenir, du spectacle auquel il vient d'assister.
En fait, on ne devrait jamais "en revenir", du théâtre. Et sans doute qu'un spectateur qui se plaint de "(ne) pas être rentré dedans", c'est juste un spectateur revenu de tout. Bonjour Tristesse...

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dimanche 4 décembre 2011

Des petites Oresties


Quelques points de vue de collégiens et lycéens sur ma pièce Une petite Orestie (Lansman éd)...

Les collégiens de l'option théâtre du collège Alphonse Allais de Honfleur (14), enseignés par Lorena Felei, et qui montent la pièce au printemps 2012, en sont au stade de la préparation et des répétitions.

Voici quelques maquettes de scénographie, où l'on reconnaît la tombe d'Agamemnon, le tapis rouge et le trône de Clytemnestre, un bateau, une baignoire...

Tous ont cherché à résoudre la question des espaces multiples, alternant entre scènes d'intérieur et scènes d'extérieur :

L'un des groupes a songé à signifier une porte d'enceinte, pour d'autres la tour de guet prend beaucoup d'importance.

Pour d'autres enfin, l'accent semble mis sur les scènes d'intérieur, que ce soit celles organisées autour de Clytemnestre ou celles autour de Strophios (table pour prendre le thé, fleurs, fenêtre).

Certains espaces scéniques sont très remplis, car tous les espaces de la pièce y cohabitent.

Pour d'autres, il semble convenu de changer d'espaces : ainsi les élements liés à l'eau (mer des premières scènes pour le retour d'Agamemnon et mer de Phocide) peuvent-ils se jouer dans la même zone du plateau, etc...

Mais chut : work in progress ! Davantage de nouvelles fin mai prochain, à la création... > cliquer ici pour voir la réalisation

En attendant, voici quelques albums photos d'autres ateliers théâtre ayant travaillé sur la pièce. Il s'agit, pour la plupart, de lycéens de Wallonie ayant imaginé la création de la pièce dans le cadre du festival organisé par Promotion-Théâtre et les éditions Lansman depuis 2010 :

Cliquer ici pour voir l'un des albums, ou bien ici, ou encore  pour en voir d'autres.

Enfin, un petit aperçu d'un atelier de théâtre en Catalogne :



Bravo, enfin, aux lycéens de Gaston Monnerville à Kourou en Guyane, aux troupes amateures du Vaucluse, du Nord et d'ailleurs qui, depuis la publication du texte en 2010, prennent le pari de jouer cette "Orestie-express" !

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jeudi 24 novembre 2011

Devenir le théâtre

Le collectif MONA vient de créer ma pièce Devenir le ciel le 23 novembre 2011, et la jouera pour une vingtaine de dates jusqu'au 18 décembre au Théâtre des Deux Rives de Charenton (94), avant de partir en tournée, espérons-le, avec ce spectacle.
C'est un travail tout à la fois étonnant, fascinant et déroutant que propose le collectif. Un objet théâtral non identifié, qui échappe (à l'instar du texte) à tous nos préconçus de catégories, formats, normes, cadres...
 En opposition à la trajectoire du protagoniste (qui, dans sa chute inéluctable, semble "se vider de sa parole" dans un temps détaché du temps), le spectacle mis en scène avec intelligence et radicalité par Claire Frétel donne le sentiment au contraire d'une re-construction, d'une restauration ; on serait tenté de dire, pour utiliser une syntaxe de scènes de crime, d'une re-constitution : peu à peu en effet, strate après strate, image après image, son après son, parole après parole, geste après geste, la mise en scène donne vie au héros, qui se dessine de plus en plus nettement pour nous durant le temps de la représentation.
L'ironie est que le personnage nous est de plus en plus connu, de plus en plus familier, de plus en plus intime et proche au fur et à mesure qu'il approche lui-même de sa fin : car c'est bien au coeur même de son éloignement que nous l'approchons, c'est au coeur même de sa destruction qu'il se construit pour nous, c'est dans sa trajectoire de mort que prend corps pour nous sa trajectoire de vie : dans un espace-temps morcelé et pluriel, au coeur d'une trame narrative et d'une écriture profuse qui tiennent davantage d'une approche quantique du réel que d'une linéarité qui nous soit familière, avec l'imprévisible comme seule ligne de mire, peu à peu les pièces du puzzle s'emboîtent.
Il est notable que ce soit collectivement que se fasse cette construction à rebours : partage de la parole, écoute et circulation sans faille des comédiens (magnifiques Audrey Le Bihan, Claire Méchin et Laurent Muzy), conscience entre eux des corps, des voix, des respirations ; mais aussi, c'est perceptible, dans une collectivité plus large incluant les costumes (Sarah Dupont), les lumières (Mathieu Courtaillier), la musique et le son (Amnon Beham et Etienne Szechenyi), l'espace scénique modulable (Charlotte Billon). Parce que le héros doit sa destruction, sans doute, à la solitude dans laquelle il se découvre, il est juste que ce soit par le biais d'un protocole collectif que sa re-construction prenne corps.
Il y a, dans l'approche très pensée et finement élaborée du collectif MONA autour de Devenir le ciel, un travail qui touche à l'essence même de l'acte théâtral : partant d'un texte multiforme, étoilé, presque impossible, ils l'ont fait advenir au théâtre (s'octroyant même le luxe de le placer au centre de leur processus de création), au même titre que le héros s'autorisant le ciel jusqu'à le devenir.

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lundi 14 novembre 2011

La main chaude et la tête froide

Deux oeuvres sorties dans les salles obscures ces derniers temps mettent en scène la main et la tête : au théâtre, c'est Jacques Gamblin avec Tout est normal mon Coeur scintille, une pièce créée il y a bientôt 2 ans, actuellement à l'affiche au Théâtre du Rond-Point puis en tournée, qui, après Le Toucher de la Hanche, poursuit son exploration du sens du toucher : un spectacle qui commence par donner la part belle à sa main, seule éclairée par le point chaud d'une découpe, avant d'enchaîner avec des séquences de danse-contact-improvisation tout ce qu'il y a de plus convaincantes (formidables Claire Tran et Bastien Lefevre), des récits de matches de tennis résumés à deux doigts, et autres fantaisies manuelles et exercices tactiles. C'est assez fascinant de voir comment ce sens aussi peu mis à l'honneur au théâtre (il n'est pas question ici des performances, ni du théâtre-forum, ni du théâtre de rue, plus interactives a priori, mais bien du théâtre dans lequel l'espace scénique est clairement séparé de l'espace du public) prend ici, grâce à Gamblin, le statut de moteur dramatique d'un spectacle qu'il faut, si ce n'est déjà fait, aller voir d'urgence.
Au cinéma, c'est L'Exercice de l'Etat, film de Pierre Schoeller magistralement écrit, filmé, maîtrisé et interprété, qui propose deux courtes séquences dans lesquelles on voit Bertrand Saint-Jean, le personnage interprété par Olivier Gourmet, tenter de garder la tête froide : dans l'espace domestique d'abord, un petit glaçon sur les traits du visage au réveil pour botoxo-tonifier tout ça, puis au bord d'une autoroute enneigée, la nuit, à l'aide d'une pleine poignée de neige pressée en pleine figure. Tout le film peut d'ailleurs être lu à partir de cette notion de "garder la tête froide" dans l'ouragan de rapides, de courants et de contre-courants, de maelstroms dans lequel Saint-Jean est plongé, Radeau de la Méduse politique à lui tout seul. Alors : coulera ? Coulera pas ? On ne révélera pas la fin du film.
Pour ce qui est de la fin de Tout est normal mon coeur scintille, c'est plutôt à la double question : S'envolera ? S'envolera pas ? qu'on aurait envie de répondre. Et c'est à l'aide d'une plume de duvet que Jacques Gamblin nous proposera sa réponse d'homme de théâtre, nous lâchant la main pour prendre son envol.
Deux oeuvres qui fourmillent d'organes : le coeur, le cou, les vertèbres, les bras, la rotule - ah ! la rotule... -, l'anus chez Gamblin, une jambe chez Schoeller où c'est le corps dans tous ses états qui est mis à l'honneur, corps travaillé des demandeurs d'emploi cadrés de près, corps travaillé et travaillant de Saint-Jean aussi, d'autres corps enfin, dès la scène inaugurale du film, organique à l'extrême. Deux oeuvres à ne pas rater cet automne, à mon avis.

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jeudi 3 novembre 2011

Noces de Papier


Bande-annonce du spectacle mis en scène par Olivier David
Texte : Laurent Contamin (éditions Lansman)
Avec : Pascale Blaison, Laure Pagès et Ludovic Ucka Ilolo
Réalisation : Sophie Cornet

mercredi 2 novembre 2011

Trois en un

Je me remets dans les marques des Echelles de Nuages, spectacle signé par Dominique Paquet pour le texte (L'Ecole des Loisirs éditeur) et Cécile Tournesol pour la mise en scène. (Nous le jouons, avec Véronique Poupelin et Françoise Cousin, du 3 au 6 novembre au Centre culturel L'Imprévu de Saint-Ouen l'Aumone, Val d'Oise, le 11 novembre à Lardy, Essonne, et le 13 décembre à Persan, Val d'Oise : programme).
Mon rôle est exclusivement marionnettique, je n'ouvre pas la bouche.
Pour répéter, je revois le texte et je le "signe" avec les mains : il s'agit en effet d'une manipulation à gaines chinoises, avec des marionnettes d'une trentaine de centimètres.
Aussitôt se remet en marche, en moi (nous n'avons pas joué le spectacle depuis plus de six mois) cette curieuse corrélation entre les mots du texte et les mouvements de mes doigts, de mes poignets. Comme si "j'écrivais" à mon tour le texte de Dominique Paquet avec les mains. Je touche vraiment du doigt (c'est le cas de le dire...) à quel point la marionnette fait, pour moi, l'unité entre mon travail d'auteur, de comédien et de metteur en scène : elle est le point nodal où se rencontrent ces trois approches du langage, celle de l'acteur, celle de l'auteur et celle du metteur en scène : avec ma marionnette en main, j'écris mon personnage en le "signant", je le joue, et je le mets en scène. Trois en un.
Si l'approche mots-mains est évidente avec des poupées à gaine chinoise, on peut l'approcher également avec des marionnettes à gaine lyonnaise : même si, là, la mise en relation texte-signe est plus expressionniste et se fait davantage dans les "articulations", à la fois articulations du texte (sa ponctuation) et articulations du corps : épaule, coude, poignets, essentiellement, qui ont "leur mot à dire" entre deux groupes de mots, deux propositions, deux phrases, un peu à la manière du masque ou de la comedia dell'arte en théâtre de tréteaux.
Quant à la marionnette portée et au bunraku, pour peu qu'on la manipule une main au bassin et une main à la nuque, tenant les deux bouts de la chaîne vertébrale de la poupée, on entre alors dans l'intimité psychologique du personnage: respirations, questionnements, hésitations, pensées... Au-delà du texte de la pièce, c'est le sous-texte qui, dans ce type de manipulation et d'après moi, est roi.
Serait-ce à dire, alors, que l'auteur penserait en bunraku, écrirait en gaine chinoise, et agirait en gaine lyonnaise ?

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mardi 25 octobre 2011

Livres et vous... au fantastique

En collaboration avec le Théâtre du Cloître et la bibliothèque municipale de Bellac, nous avons sélectionné 15 titres d'oeuvres des XXème et XXIème siècles ayant un rapport avec le fantastique. Un comité de lecture se réunira de temps en temps jusqu'à choisir LE texte qui sera mis en espace au printemps.
Voici la sélection :
- Kafka sur le Rivage de Haruki Murakami
- Duma Key de Stephen King
- Les Cahiers de Malte Laurids Brigge de Rainer Maria Rilke
- Arlis des Forains de Mélanie Fazi
- L'Homme qui rétrécit de Richard Matheson
- Le Palais des Rêves d'Ismaïl Kadaré
- Le Maître et Marguerite de Mikhail Boulgakov
- Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley
- Le Compagnon secret de Joseph Conrad
- Le Livre des Illusions de Paul Auster
- Terrienne de Jean-Claude Mourlevat
- Porteurs d'âmes de Pierre Bordage
- Le Chevalier inexistant d'Italo Calvino
- L'Ombre du Vent de Carlos Ruiz Zafon
- La Guerre des Mondes de H.-G. Wells

Ce sont ces 15 textes qui vont accompagner les soirées d'automne des lecteurs bellachons du comité, en attendant le rendez-vous de janvier qui fera un premier tri... Une démarche intéressante pour moi, puisque pénétrant peu à peu dans la notion de fantastique au théâtre dans le cadre de ma commande d'écriture, j'approcherai le genre "par la bande" du roman.

Le 2 février, un premier tri par le comité de lecture a défini une "short list" :

L'Homme qui rétrécit de Richard Matheson
Le Palais des Rêves d'Ismaïl Kadaré
Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley
Le Livre des Illusions de Paul Auster
L'Ombre du Vent de Carlos Ruiz Zafon

Le 7 mars, enfin, le verdict tombe : and the winner is...
Le Palais des Rêves d'Ismaïl Kadaré !

Une approche scénique de ce très beau texte où se mêlent le politique et le fantastique sera proposée au Théâtre du Cloître de Bellac le 29 mai.

> article de presse sur le lancement du comité de lecture
> article de presse sur la représentation du 29 mai 2012
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