samedi 25 septembre 2021

Reprendre la main

Le Soleil de Moses a eu l'heur et l'honneur de remporter le prix Kamari 2021. Ce prix, décerné par les jeunes élèves de 24 classes du département de la Loire (La Ricamarie, L'Horme, Montbrison, Roanne), est piloté par les centres culturels et théâtres desdites villes et le collectif Défriche. Il a d'abord consisté en une semaine de rencontres, en juin, qui a permis de faire connaissance et d'échanger autour de la pièce, de l'écriture, du théâtre - bref, de la vie.

Le texte est publié en septembre aux éditions Les Cygnes (ISBN n° 978-2-36944-366-7, 50 pages, 10 euros).

L'originalité du prix Kamari est qu'il consiste, en outre, en une invitation à ré-écrire, en lien avec le territoire : j'aurai donc le plaisir de retourner sur place, quelques semaines au cours de la saison 2021/22, pour une résidence de création.

Une résidence pour quoi faire ? Lors de la remise du prix, en juin, je me suis vu remettre un très beau livre sur les années Manufrance qui ont tant marqué l'histoire sociale, économique et culturelle du département, notamment autour de Saint-Etienne.

Après tous ces mois de distanciel, de Zoom, d'écrans, de Teams, de numérique, de WhatsApp, de clics, de Skype etc..., j'ai été touché par la beauté des objets, page après page. Beauté esthétique, beauté symbolique. Sophistication de leur fabrication, mais aussi de ce qu'ils révèlent : en amont, de la beauté du geste qui les a façonnés, et en aval, de leur utilisation, et de la vie qui va avec.

Cette réflexion aussi que m'a faite un enfant, tellement habitué aux écrans depuis quelque temps qu'il n'en revenait pas que j'écrive "pour de vrai", avec un crayon et du papier, que le spectacle soit "vivant", qu'il existe un métier appelé "libraire" qui consiste à vendre des livres à des gens qui les lisent...

Il ne s'agira pas, dans ce temps d'écriture sur le territoire de la Loire, ni de faire la promotion des vide-greniers dominicaux, ni d'appeler au boycott des imprimantes 3D, ni même de prôner le retour exclusif du jouet en bois. Mais bien plutôt, on l'aura compris, d'en revenir tout simplement à l'objet concret, qu'il soit artisanal ou manufacturé, à la sensation tactile, au geste créatif, au "présentiel" - puisque cet adjectif a maintenant fait florès -, au tangible.

Si Pérec s'amusait de voir l'accumulation des "choses" s'infiltrer dans la vie individuelle et collective de l'homo consumericus des années 60, il me semble que c'est aujourd'hui la saturation de l'image numérique qui nous éloigne de "la vie mode d'emploi".

Partir à la recherche d'objets d'aujourd'hui, singuliers, curieux, nécessaires ou inutiles, esthétiques ou burlesques, inattendus. Rencontrer ceux qui les font, pour la beauté de leur geste. Dresser une sorte de nouveau catalogue Manufrance, mais à hauteur d'enfance. Et dans lequel on aurait remplacé les photos par des mots qui ouvriraient le champ du sensible :

Peut-être, oui, que ce serait un catalogue poétique de choses et d'autres, pour "reprendre la main". Un cabinet du curiosités. Une petite manufacture à inventer pour aujourd'hui. Une chanson de gestes. A destination du jeune public. Qu'on imprimerait sur place, idéalement.

"A force de voir les choses, on ne les regarde plus", disait déjà Francis Ponge dans Le Parti-pris des Choses. Alors regardons.

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